L'incomprise (Nouvelle)

Publié le par Karim Kherbouche

Ce matin-là, il avait plu des torrents. Après quoi, le calme était de nouveau presque total. Le soleil tentait d’envoyer ses rayons entre les nuages qui constellaient le ciel. Il se dégageait une odeur de boue. Elle s’est perchée sur le balcon où elle aimait passer la quasi totalité de son temps. En retournant en arrière, elle a aperçu un étourneau dans une cage. Cette vue la horrifiée, elle qui sattachait à la liberté et qui trouvait abominable la vue d’un oiseau en cage. Elle l’a pris et la libéré tout en lançant dans un recueillement vers le ciel : « oh ! Dieu tout-puissant, libère-moi de mes tourments comme j’ai libéré ce pauvre oiseau ».

Tilelli, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, vivait le calvaire à cause d’une faute qu’elle avait commise à l’époque où elle était pourtant mineure. La société ne lui a pas pardonné et ne lui a réservé qu’un dur et injuste châtiment.

A peine atteint l’âge d’adolescence, Tilelli avait déjà une corpulence d’une jeune demoiselle d’une sublime beauté, ajoutons à cela son inégalable élégance. Avec ses cheveux noirs, ses traits fins et ses pommettes saillantes et sa démarche spontanée d’une actrice de cinéma, les hommes tous âges confondus craquaient pour elle.

Cela l’amusait bien, néanmoins il vaudrait mieux être dépourvu de tout que de posséder une richesse qu’on ne peut pas utiliser à bon escient. Elle n’a pas su s’y faire, elle qui venait juste de découvrir l’adolescence sans trouver une personne attentive qui l’orienterait. En dépit d’un père, un ancien professeur de langue française, très compréhensif, on était encore loin de parler des choses sentimentales et sexuelles vu le poids des tabous. La jolie môme, était l’aînée et n’avait pas de frère ou de soeur plus âgé qu’elle pour la conseiller ; elle nage toute seule dans une eau trouble.

Et vint alors ce jour-là où toute sa vie basculerait. Elle sortait de chez elle pour aller faire ses courses pour le déjeuner comme de coutume, elle marchait dans la rue comme une hallucinée en essayant de reconstituer un rêve qu’elle avait fait la nuit : elle trayait une vache dont le lait était de couleur rose, et puis il y avaient eu des chèvres, des moutons, elle était toute seule dans une ferme et puis un inconnu vêtu en Bédouin avait fait son apparition, tout y était embrouillé et elle ne parvenait à en faire un tout coordonné pour l’interpréter ; ce qui néanmoins la tracassait d’avantage était la vue d’un gros reptile noir qu’elle avait essayé de tuer mais qui avait réussi à prendre la fuite.

Arrivée au supermarché, elle a pris la liste de courses et s’est attelée à acquérir tout ce que sa mère lui a prescrit. Une fois terminé, dans un mouvement d’automate, elle est allée à la caisse pour régler ses achats où il y avait un jeune homme qui l’a précédée et elle a fait la queue derrière lui sans qu’il ne daignât se retourner pour qu’elle pût le voir en face. La caissière était trop lente ce qui a exaspéré Tilelli. Et sans qu’elle ne s’aperçût, elle a renversé le sac à provisions du jeune homme.

«  désolée, désolée, je suis vraiment désolé !  », s’était-elle excusée tout en ramassant ce qu’elle venait de déverser.

Le jeune homme l’a prise par la main et lui a dit :

«  tu es pardonnée mademoiselle, ne te soucie pas, laisse-moi les ramasser tout seul  ».

La main du jeune était tant forte qu’elle souhaitait qu’il la maintienne pour longtemps ! Elle a osé tout de même le regarder par-dessus ses lunettes reposantes pour voir qui c’était : elle est restée perplexe et bouche bée devant cette sensation étrange de premier coup de foudre qu’elle venait d’éprouver. Le premier coup de foudre qui dure souvent longtemps et que nous aimons appeler communément le premier amour. Le gars qui venait de l’obnubiler s’appelait Lounis, il était un des jeunes hommes les plus sexy et il figurait sur le carnet d’adresses de pratiquement toutes les filles de la ville où il habitait. Ils se sont regardés durant un bon bout de temps si bien que la caissière a demandé à Tilelli d’activer pour payer parce qu’il y avait déjà une foule de clients qui attendait derrière eux. Le jeune homme part et avant de sortir il lui a fait un geste sympa de la main.

Tilelli n’a pas hésité à raconter à sa mère ce qu’elle venait de vivre. Sa mère lui a conseillé alors de ne pas faire les choses à la hâte et de ne pas juger les gens sur la mine. De surcroît, ce qu’elle ne savait pas était que le jeune homme avait 27 ans et elle 16 uniquement ; il serait probable que le jeune n’accepterait pas de sortir avec une fille qui n’avait pas lâge requis. Mais c’était plus fort qu’elle : elle ne pouvait s’empêcher de penser à lui, elle en était follement amoureuse. Et advienne que pourra !

Comme chaque vendredi, elle est allée au parc qui se situait non loin de chez elle, où elle aimait jouer aux patins à roulettes. Tout à coup, elle a croisé son prince charmant, Lounis, qui jouait au VTC (Vélo Tout Chemin). Tout gai et souriant, il s’est arrêté et s’est approché très près d’elle car elle ne pouvait pas l’entendre à cause du bruit des nombreux enfants qui jouait qui le cerf-volant, qui le toboggan, qui le tourniquet Il se sont assis sur un banc devant un bassin où nageaient des canards et ils ont discuté de tout et de rien : le temps passait tellement vite qu’ils ont oublié de rentrer au moment du déjeuner. Des rencontres comme celles-ci se sont multipliées depuis et les mots qu’ils échangeaient n’étaient plus des mots mais une sorte de conduit à travers lequel ils se délectaient de s’aimer.

Tout allait bien jusqu’au jour où Lounis a découvert que la fille qu’il aimait à mourir n’était qu’une minette de 16 ans ! Très choqué, lui l’homme aux scrupules inébranlables, il a décidé de lui annoncer que tout était terminé entre eux, il a maintenu sa décision en dépit des larmes de Tilelli qui n’arrivait pas à supporter de vivre sans lui.

Des jours, des mois se sont succédés sans qu’il parvienne à l’oublier. Son amour pour elle a grandi d’avantage depuis qu’il a découvert qu’il était «  un amour interdit  ». Le tout repartirait de plus belle lorsqu’un soir il écouterait ce message d’elle enregistré dans le répondeur téléphonique :

«  Lounis, pourquoi nous nous torturons tant, alors que nous nous aimons !? Pourquoi me fais-tu tant de mal ? Pourtant je t’aime et je ne peux aimer que toi ! ? Pourquoi ?  ».

Lounis s’est dit dans son esprit : «  Ben, pourquoi pas ? J’attendrai qu’elle atteigne sa majorité ; d’ici là je tâcherai de distancer un tant soi peu nos rencontres, histoire de garder le contact, quoi !  ». Néanmoins, ce ne serait plus, en fait, un simple contact puisque leur relation prendrait un autre tournant. Tilelli ne pouvait rester longtemps sans le voir et lui également, mais il essayait malgré lui de faire avec. Un jour, elle est allé le chercher dans son lieu de travail, dans une société commerciale de l’électroménager où il exerçait comme agent polyvalent. Elle l’a trouvé dans l’entrepôt où il y avaient des postes de télévisions et des machines à laver. Le patron était absent, ils en ont profité pour se voir et discuter en toute quiétude. De petits baisers amoureux aux légères caresses, ils ne pouvaient plus empêcher ce qui allait se produire :

Tilelli est dépucelée et enceinte ! Lounis l’a rassurée qu’il ne la laisserait pas tomber. Il l’a effectivement épousée après un grand scandale. Cependant, les commérages et les diatribes de toutes sortes ne cesseraient pas malgré cela.

Leur relation alimentait chaque jour les discussions dans leurs quartiers. Tilelli maigrissait et se consumait chaque jour davantage. C’est alors que les deux jeunes époux ont décidé de s’isoler dans une maison habité jadis par leur grands parents qui se trouvait dans un hameau lointain. Là aussi la malédiction les a suivi et on a continué à déchirer à belles dents particulièrement la femme, car pour eux l’homme n’était pas condamnable dans ce genre de relation « illicites ». Pourtant, ils étaient père et mère de trois enfants légitimes dont deux garçons et une fille.

En plus à cette bouderie collective injustifiée dont elle était victime, la pauvre Tilelli habituée à la vie en ville s’est vu astreinte au travail de la ferme : nettoyer l’étable et l’écurie, traire les vaches, ramasser les oeufs, tondre les moutons pour aider son époux qu’elle aimait plus que tout et qui était son unique raison de vivre. Les gens lui faisaient beaucoup de mal avec leurs propos acerbes et calomnieux ; elle voulait en finir au plus vite.

Ce matin-là, il avait plu des torrents. Après quoi, le calme était de nouveau presque total. Le soleil tentait d’envoyer ses rayons entre les nuages qui constellaient le ciel. Il se dégageait une odeur de boue. Elle s’est perchée sur le balcon où elle aimait passer la quasi totalité de son temps. En retournant en arrière, elle a aperçu un étourneau dans une cage. Cette vue la horrifiée, elle qui sattachait à la liberté et qui trouvait abominable la vue d’un oiseau en cage. Elle l’a pris et la libéré tout en lançant dans un recueillement vers le ciel : « oh ! Dieu tout-puissant, libère-moi de mes tourments comme j’ai libéré ce pauvre oiseau ».

La maison était encore en chantier et le garde-corps du balcon était provisoirement en bois. Elle était pieds nus, la plate-forme était encore mouillée, elle a glissé et en essayant de s’accrocher au garde-corps, il s’est détaché et elle a fait une chute mortelle du premier étage. Elle a eu une hémorragie interne et mourrait quelques temps après à l’hôpital. Ainsi termine tôt la vie d’une femme qui n’a connu que déboires et malchance, elle qui était pourtant toute affection et amour.

Nouvelle de Karim KHERBOUCHE

Publié dans A vos plumes !

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M
dis moi  mon ami, comment arrive tu à  toucher le point sensible de chaqu' un de tes admirateurs?chapeau chapeau!!!!!!! merci  ex élève louisa la folle
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